DECES DE OKOU VABÉ MON COUP DE GUEULE.

Publié le : 22/08/21 - 17:48

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Texte par : José Djati

Hier, peu avant minuit, j'ai appelé mon ami et frère Jean-claude Djakus. Nous avons parlé du décès de notre grand frère et confrère Roger Okou. Nous avons ensemble ressassé quelques souvenirs et nous nous sommes séparés et endormis dans la tristesse.

Les journalistes décèdent dans des conditions dramatiques. Dans la misère. Il n'y a pas de partage. Il n'y a pas de solidarité. On critiquait hier pendant les balbutiements de la presse privée en Côte d'Ivoire, le comportement des patrons de presse comme Tapé Koulou, Ignace Dassouri, Gnahoua Zibrabi et autres Gogbé Deliwa David. On les accusait de racketter à tout va et de faire du chantage sur des opérateurs économiques (qui eux mêmes n'étaient pas pour la plupart des enfants de chœur). J'ai connu cette époque et ces patrons de presse en étant jeune étudiant très enthousiaste qui 'grattait le papier' en squattant les rédactions.

C'est vrai, ces patrons de presse-là n'étaient pas structurés. Ils ne rémunéraient pas de façon régulière leurs employés (ce qui n'a d'ailleurs pas changé de nos jours malgré la dite structuration des entreprises de presse). Cependant, ces patrons de presse avaient une grande qualité : celle de savoir être par moments généreux. Ils avaient en des occasions le sens du partage, de l'attention envers les journalistes qui travaillaient pour eux. Ils partageaient beaucoup et bien.


Aujourd'hui, toutes ces valeurs sont derrière nous, dans notre milieu. Pire, les journalistes qui ont vécu toutes ces difficultés au sein des rédactions et qui aujourd'hui, sont devenus des patrons de presse, sont ceux-là même qui créent des misères dans les rédactions. Ils ont juste modernisé le terme chantage qu'on affublait aux Tapé Koulou et consorts, pour se faire leur matelas financier, rouler carrosse et regarder les journalistes de leur rédaction végéter, puis peut être mourrir d'une mort misérable.


Le vrai problème de la presse ivoirienne, c'est celà. Ce n'est pas le manque de la subvention réclamée à l'Etat. La preuve, l'Etat a pris sur lui une année de payer directement aux imprimeurs le coût de l'impression des journaux, faisant ainsi gagner une trésorerie à ces journaux, sans que les conditions de vie des employés ne changent. 


Dans ma petite carrière de journaliste, je n'ai connu qu'un seul patron de presse sérieux, qui avait le soucis de rendre heureux les journalistes et de faire d'eux des hommes épanouis (il y en a peut être d'autres que je n'ai pas connus ). Il n'était pas journaliste. Il s'appelle Sylvestre Konin . Il est arrivé dans ce milieu avec ses propres moyens. Il a monté le Courrier d'Abidjan dans sa première version. il a même révolutionné la distribution des journaux en Côte d'Ivoire après 40-50 ans de monopole d'EDIPRESSE avec sa société DISTRILIBRE. Il a lourdement investi avec ses propres moyens avant d'être combattu, molesté, briguandé, spolié de son bien puis contraint au silence. 


Depuis cette nuit de décembre 2007 où une bande de loubards téléguidée est descendue au siège du Courrier d'Abidjan à Attoban pour tout casser et molester tout le personnel qui s'y trouvait à l'heure du bouclage, qui a entraîné 'la mort" du Courrier d'Abidjan, ce si beau fleuron de la presse ivoirienne, j'ai compris que mon parcours en tant que journaliste dans une redaction s'arrêtait là. 


J'ai décidé de rester journaliste, mais de ne plus poser mes fesses dans une rédaction en Côte d'Ivoire, malgré certaines offres. J'ai décidé de porter ma croix, de tracer mon propre chemin, en  me consacrant désormais à écrire mes livres.


Ce soir-là, quand je suis rentré chez moi, mes deux enfants étant encore tout petits, j'ai réveillé mon épouse, je lui ai fait le point de cette terrible soirée et je lui ai fait comprendre qu'il fallait qu'on tourne la page. Comme je n'ai l'âme de quelq'un qui peut vendre sa dignité pour "manger' dans ce milieu; et comme toujours dans ce milieu, je ne pouvait vivre que de mon salaire si fragile qui ne tenait qu'à un bout de fil; comme nos enfants étaient encore petits et que c'est maintenant qu'il fallait tourner la page et se chercher, j'ai dit à mon épouse que c'est ce qu'il fallait faire. Sinon, elle me trouverais un jour mort sans rien et qu'elle serais veuve. C'est ce que j'ai fait. Aujourd'hui, je continue de me chercher, mais j'ai au moins mes heures de sommeil normales. Je me portes bien par la grâce de Dieu.


La presse ivoirienne a vraiment des soucis. Le problème n'est pas ailleurs. Le ver est dans le fruit.


RIP  Roger Okou Vabé


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